PETIT A PETIT, VETEMENT PAR VETEMENT...
Publié le 8 Septembre 2011
Il y a eu tous ces jours où j'ai fait des repas pour 6, voire 7 ou 8 si on parle de moyenne sur l'année. Les grandes tablées, les marmites king size, les immenses plats, les brouettes de purée, ça me connaît. Les jours où on a l'impression d'avoir trop fait à manger et où en fait il ne reste plus rien au fond des casseroles aussi. Le kilo de nouilles qui disparaît comme qui rigole. Les assiettes que l'on regarde éberlué se remplir, se vider, puis se re-remplir, se re-vider, se..... Les caddies jamais assez grands une fois qu'on y a mis les packs de lait, les bouteilles de jus d'orange et de jus de pomme, les 5 kg de patates, les boîtes de céréales, les 3 x 16 yaourts, les pommes, les surgelés, les paquets de lessive....
La maison pleine de vie, les cris, les disputes, les rires, les jeux. La machine à laver qui n'arrête pas de tourner, le linge qui sèche partout. La voiture pleine à craquer lors des départs en vacances ou en week-end. Les journées où il faut jongler avec les emplois du temps des uns et des autres. La collection de vélos dehors. Les quatre cartables jetés dans l'entrée. Les quatre paires de bottes bien rangées devant la porte. Les quatre portes de chambre qui s'entrouvrent, s'ouvrent, se referment ou se claquent, au gré des humeurs.
Il y a eu ces soirs, où nous n'étions que 4 à table et où on avait l'impression que, pour "seulement" 4 personnes, ce n'était pas vraiment la peine de faire à manger. Quelques restes accommodés vite fait faisaient l'affaire. Et puis ceux, rares, où l'on n'avait qu'un enfant qu'on appelait "l'enfant-roi" et que l'on comblait de notre mieux. Avec Jules, on se regardait en souriant et on se disait : "Mais comment font les gens pour qui c'est comme ça tous les jours" ? Les repas manquent un tantinet d'ambiance, c'est si calme, (si triste ?). Chacun peut s'exprimer à sa guise sans risquer de se faire couper la parole, on n'a pas besoin de hurler pour se faire entendre ou pour réclamer la paix, ni imposer des temps de silence général quand cela va trop loin. Sentiment bizarre.
Et puis il y a eu cette semaine.
Dimanche, Fiston 1 est passé dans la journée à la maison. Cela fait quelques semaines qu'on ne le voit plus guère. Depuis qu'il a terminé son job d'été (mi-août), il passe de plus en plus de temps avec sa copine qui elle aussi a travaillé jusqu'à la fin du mois d'août. Mais depuis qu'elle a emménagé dans sa résidence universitaire, Fiston 1 pointe carrément aux abonnés absents. Cela fait un moment que je sens le vent tourner. Le soir venu, après avoir passé la journée avec nous, il est parti avec un sac d'affaires et je me suis dit : "Ah ! cette fois il part pour plusieurs jours". J'ai lancé en rigolant : "Mais il est pour une ou pour deux personnes ce studio à Bordeaux" ? Il m'a répondu un petit sourire aux lèvres : "Euh... oui, et d'ailleurs... à ce sujet... quand Papa sera là et quand vous aurez un moment il faudra qu'on discute de comment on s'organise pour cette année scolaire". "Hum, hum, ça prend une étrange tournure cette affaire", ai-je pensé.
Lundi, j'ai déposé Fiston 2 à l'internat. Avec un petit pincement au coeur, je l'ai regardé s'éloigner dans la cour de son lycée, sa couette et son oreiller sous le bras, son ruck de vêtements dans une main et son sac bourré de livres dans l'autre. Je savais que c'était parti pour au moins deux ans et que dorénavant il faudrait compter sans lui pendant la semaine. La chambre est vide. Aucune musique rasta à donf et aucun chant reggae braillé à tue-tête n'émane du bout du couloir. Le lit reste désespérément bien fait et aucune fringue ne gît par terre. La salle de bain est nickel. On peut rentrer dans la pièce sans écrabouiller un CD ou piétiner un livre. "Vivement le week-end !" me surprends-je à penser. Mais il me manque ou quoi ?
Mercredi. Il faisait déjà nuit. Fiston 1 a déboulé sans prévenir avec Chérie. Une petite inquiétude. Pourquoi sont-ils là ? Rien de grave, j'espère. "Non, non, tout va bien. On est juste venu récupérer mon ordinateur"........
Il est venu récupérer son ordinateur !
Avec Jules, on s'est regardé de concert. Séquence émotion. Il m'a dit : "Tu crois qu'il part pour de bon" ? Et j'ai répondu : "C'est un signe, cette fois, je suppose qu'on n'est pas près de le revoir".
Une page se tourne, sans qu'on l'ait vraiment voulu, sans même qu'on s'en rende compte. Rien ne sera plus comme avant. Ce sera dorénavant différent. Mais, naïvement, je ne pensais pas que ça allait arriver si vite.
Et tout d'un coup, je repense à la chanson de Bénabar.
Il y 6 mois à peine, ici, pour Musique à Coeur Ouvert, j'écrivais : J'en suis exactement à cette phrase-là : "Les enfants vont et viennent chargés de linge sale, ça devient un hôtel la maison familiale..."
Si je devais refaire cet article aujourd'hui, il faudrait bien que j'avoue que je suis en train tout doucement de passer à la ligne suivante : "Ils ont quitté le nid sans le savoir vraiment, petit à petit, vêtement par vêtement".