LIGNES DE FAILLE
Publié le 28 Avril 2013
Lignes de faille est le premier livre que je lis de Nancy Huston, romancière et essayiste franco-canadienne anglophone dont, du reste, je n'avais jamais entendu parler ce qui ne veut bien sûr rien dire.
Il m'a été prêté par une amie, et ce depuis plus d'un an... Pendant tout ce temps, il trônait (traînait ?) sur la commode du couloir sans que, et je ne sais pourquoi, j'aie vraiment eu envie de l'ouvrir.
J'ai eu tort car je n'ai jamais rien lu de tel.
Lignes de faille est un livre étonnant (primé plusieurs fois) divisé en quatre parties racontées à la première personne comme autant de fragments d'un journal intime qui mettent en scène quatre moments de l'existence de quatre membres d'une même famille (l'enfant, le père, la grand-mère, l'arrière-grand-mère) avec un même repère fixe : un grain de beauté et la sixième année de chacun.
Le roman débute en 2004 par le récit de Sol, petit garçon californien de 6 ans et fils de Randall. Sol est pris dans la violence de son pays en guerre contre le terrorisme et des images que l'on peut trouver sur Internet. Dans les toutes premières pages de l'histoire, j'avoue que j'ai été vraiment choquée par ce petit garçon qui regarde des vidéos de viols et des photos de soldats irakiens découpés en morceaux sur Internet alors que sa mère (qui pense naïvement qu'il est trop petit pour regarder Harry Potter !) croit qu'il joue bien tranquillement dans sa chambre...(parents de jeunes enfants, si vous n'avez pas encore un contrôle parental sur votre PC, courez en installer un, ce que regarde cet enfant est vraiment effrayant le mot est faible). Je me suis d'ailleurs demandée un instant si j'allais continuer cette lecture... mais cela aurait vraiment été dommage si je ne l'avais pas fait.
Puis vient le tour de Randall, 6 ans, qui part en 1982 s'installer en Israël avec ses parents afin que sa mère, Sadie, juive pratiquante, puisse effectuer des recherches pour tenter de retracer l'histoire de sa famille. Au fil des pages, on glane peu à peu des éléments et les pièces d'un puzzle que l'on commence à deviner se mettent doucement en place.
Suit l'histoire de Sadie qui a 6 ans en 1962 et qui vit avec ses grands-parents à Toronto au Canada. Sadie a une vie rigide et ne rêve que d'une chose, c'est que sa très jeune maman, Kristina, qui est en train de devenir une chanteuse très connue sous le nom de scène Erra, s'occupe d'elle.
Enfin, le roman se termine par la sixième année de Kristina en 1944-1945 dans une Allemagne nazie battue et ravagée par la guerre. Elle vit dans une famille où de lourds secrets règnent autour des filiations...
Ce livre brillant et très bien construit se lit à rebours comme un roman policier. Chaque partie amène son lot d'indices qui petit à petit permettent de reconstituer l'histoire dont on connaît le dénouement (et donc l'origine puisqu'au fur et à mesure on remonte dans le temps je ne sais pas si c'est très clair ce que je dis) dans les toutes dernières pages.
Il parle de l'appartenance à une famille, de ses mécanismes, de la transmission, de l'histoire qui se répète, des blessures qui ne se referment jamais, des décisions qui, comme le battement d'aile d'un papillon, peuvent provoquer des ravages quelques dizaines d'années plus tard. Par ailleurs, je pensais en savoir déjà beaucoup sur la 2ème guerre mondiale... Je me suis rendue compte que je n'avais absolument jamais entendu parler des Lebensborn. Et vous ?
Quand j'ai eu terminé ma lecture, je n'avais qu'une envie, reprendre le livre du début et le relire tout en sachant la fin.
Ce que j'ai fait, moi qui ne lis jamais deux fois le même roman.