Dixieland ? C'est le nom que les Américains donnent à La Nouvelle-Orléans (en l'accompagnant d'un grand sourire et d'un clin d'oeil entendu et complice tant l'esprit de fête est associé à cette ville) et aussi au hot jazz, early jazz ou New Orleans (prononcer Nolinss et pas Niou Olinss) qui est un style de musique jazz développé dans cette ville au début du XXème siècle.
A cette époque, nombreux étaient les gens de La Nouvelle Orléans qui ne parlaient que le français. Aussi, les billets étaient imprimés d'un côté en français, de l'autre en anglais. Sur un billet de 10 dollars, on imprimait "ten" sur une face et "dix" sur l'autre. Ce que les Américains prononçaient "dixie".
New Orleans devint donc "Dixieland". Et c'est là qu'est né le jazz. Tout a débuté à la fin du XIXème siècle, peut-être un peu avant... Personne ne sait au juste quand ça a vraiment commencé. "Ça s'est fait comme ça, sans y penser : tout d'un coup le jazz était là et tout le monde était content" !
Oui, le jazz serait né à Storyville, le quartier des maisons closes. La raison est facile à comprendre. Jouer dans la rue, même si cela faisait partie du quotidien, ne faisait vivre personne. Et à l'église, les musiciens étaient bénévoles. Par contre, les maisons de prostitution embauchaient des orchestres de jazz pour agrémenter les soirées ! Et cela payait plutôt bien. Les orchestres avaient l'habitude, une fois leur service terminé, de se livrer à des joutes musicales tonitruantes. Le principe était simple : c'était à celui qui parvenait, à force de s'époumoner, à couvrir la musique de l'autre. Nul doute que ces performances sont à l'origine de l'exceptionnelle puissance du jazz louisianais.
Un de ces orchestres se nommait "Razzy Dazzy Jazzy Band". Il rencontra un tel succès que, dès 1915, cette musique négro-américaine fut connue sous le nom américain de jazz (une hypothèse parmi
toutes celles qui circulent)...
uis en 1917, tous les lieux de plaisir furent fermés et les musiciens de jazz émigrèrent vers d'autres villes, surtout Memphis, Saint Louis, Kansas City, Chicago et, plus tard, New York. Mais aujourd'hui, le jazz a reconquis son royaume ; à La Nouvelle-Orléans, il est présent partout : dans Bourbon et Royal Street, mais aussi dans Conti, Canal, Dumaine ou Decatur, bref dans toutes les rues du French Quarter, le quartier historique de La Nouvelle-Orléans où l'animation est quasi permanente ; dès le matin, dans les allées du French Market ou dans les rues du Vieux Carré, tous les instruments sont de sortie : trompettes, trombones, contrebasses, clarinettes, banjos et
planches à laver (washboard) l'instrument que je préfère à cause de sa sonorité et son originalité.
Il faut quand même que je vous explique : il règne en Louisiane une vraie joie de vivre, du bien manger et du bien danser (euh, boire aussi). C'est le pays où il fait bon "laisser le temps rouler". La musique y a donc une place TRES importante et tous les prétextes sont bons pour faire la fête : une naissance, un enterrement (on pleure en emmenant le défunt au cimetière mais au retour, on rit et on danse, car on sait qu'il sera bien plus heureux là-haut qu'en ce bas monde), un mariage, un divorce, une fête religieuse, une commémoration patriotique, une cérémonie militaire, une campagne électorale, Mardi-Gras, une communion, et que sais-je d'autre encore... Ah oui, même l'arrivée d'un ouragan. Je me souviendrai toujours de ma première "hurricane party" chez Will Swanger !

Et comment parler du jazz à La Nouvelle-Orléans sans parler du
Preservation Hall, situé au 726 de Saint Peter Street, à la hauteur de Royal ? De l'extérieur, l'établissement ne paye vraiment pas de mine et contraste fort avec son prestige. L'aspect "décrépit", aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur est soigneusement entretenu et si vous cherchez un petit coin intime et des banquettes moelleuses, passez votre chemin. Ici, on est assis sur des bancs en bois. Ou par terre. Ou alors on reste debout. Bien sûr, on ne consomme pas de boisson, on vient juste pour le plaisir d'écouter de la musique, de la très bonne musique. L'orchestre change tous les jours. Les séances durent une demi-heure, mais on peut rester toute la soirée si l'on veut pour la modique somme de 2 $ (en 1989).

La Louisiane tient une place à part dans le coeur des Français, bien sûr à cause de son histoire et de son passé. Quant à moi, il est évident que j'y ai laissé un petit bout de moi. On ne ressort pas indemne d'une année passée dans les bayous !
Je vous raconterai sûrement la suite un de ces jours...
En attendant, vous avez aimé le voyage ?