ELEFANTE BLANCO
Publié le 23 Mai 2013

Le genre de film que je n'aurais jamais été voir si on n'avait pas été le mardi soir une fois tous les quinze jours où Jules et moi on va rituellement au ciné parce que je ne travaille pas le lendemain.
Le genre de film qui, sorti récemment en France, ne fait pas vraiment la une au box office, loin des super productions qui attirent les foules (mais six nominations dans les festivals, dont Cannes, quand même). D'ailleurs, on a bien crû que la séance n'allait être que pour nous deux et qu'on allait rester tout seuls mais au final on était trois.
Le genre de film que je n'aurais jamais été voir non plus s'il y avait eu autre chose qu'un film de kung fu dans la deuxième salle de notre petit cinoche de quartier.
Le genre de film qui commence par un massacre dans un village de la jungle argentine et où on se demande si ça va durer comme ça pendant tout le film et si on va tenir le coup.
Le genre de film avec une musique qui vous prend aux tripes.
Le genre de film dont on ne peut détacher les yeux ensuite tant l'histoire est terrible et malgré tout fascinante, d'autant plus qu'inspirée d'un fait réel. Entre fiction et documentaire en fait.
Le genre de film qui m'a un peu fait penser à Des dieux et des hommes et au massacre des moines de Tibhirine.
Le genre de film qui vous remue en dedans et qui fait évidemment réfléchir à la façon dont on vit et dans quel monde on vit. Même trois jours après la séance, j'y pense encore.
Le genre de film dont le titre est trompeur : l'Elefante Blanco n'a rien à voir avec le pachyderme mythique mais c'est le nom donné à une carcasse de béton et de ferraille qui surplombe le bidonville de la Vierge, dans la banlieue de Buenos Aires, un hôpital en construction en fait, qui ne verra jamais le jour.
Le genre de film de Pablo Trapero qui évoque le travail de deux prêtres : Julian (Ricardo Darin) qui est argentin et Nicolas (Jérémie Rénier) qui est belge. Le premier est sage et secret, le second blessé et impulsif. Avec Luciana (Martina Gusman), une jeune assistante sociale, ils tentent de lutter contre la corruption et de résoudre tant bien que mal les problèmes sociaux du quartier gangrené par le narcotrafic et la pauvreté.
Le genre de film où les héros partagent le même engagement, la même loyauté et la même humanité mais se heurtent aux mêmes murs : leur hiérarchie, les pouvoirs locaux, la force policière, les narcotrafiquants.
Le genre de film où les héros sont fatigués. Fatigués d'affronter la misère, l'insalubrité, la violence, l'immoralité mais avec toujours tout de même l'espoir de changer le monde.
Le genre film dédié au Padre Mugica, mort assassiné en 1974 dans un bidonville de Buenos Aires.
Le genre de film qui dit le désespoir d'une lutte inégale, et l'acharnement malgré tout.
Le genre de film à voir, forcément.