MERCREDI NOIR POUR LA LIBERTE D'EXPRESSION
Publié le 12 Janvier 2015
Je n'ai rien écrit la semaine dernière.
Comme nombre d'entre nous, j'étais sonnée et en deuil.
Impossible de bloguer ou d'être léger avec une actualité aussi terrifiante. A vomir.
Et j'avoue que tous ces rassemblements, cette ferveur et nos politiques prônant l'union nationale, voire mondiale, m'ont laissée perplexe et pleine de questions.
Mais quelque chose m'a étonnée. En discutant avec mes collègues, amis, proches, je me suis rendue compte à quel point nous avions tous le même discours : la plupart des journalistes de Charlie-Hebdo ont bercé notre enfance et/ou notre adolescence, et ce de façon générale, quelque soit notre âge, le milieu dont nous sommes issus ou notre catégorie socioprofessionnelle.
Comment est-ce possible, si ce n'est le fait que ces dessinateurs et journalistes de génie ont traversé les années, grandi avec nous et marqué tout le monde sur leur passage ?
Cabu pour moi c'était d'abord le grand Duduche, grand et tout maigre, avec son jean et ses baskets, l'amoureux transi de la fille du proviseur qui n'était jamais payé de retour. Ses caricatures de Dorothée aussi et ses dessins en direct dans Récré A2, émission devant laquelle je m'avachissais volontiers le mercredi après-midi. Et puis le Beauf, gras, con, borné et vulgaire... Pour Noël, j'avais d'ailleurs acheté à mon frangin l'intégrale de ses aventures... L'avait-il lue avant ce 7 janvier ?
Mes souvenirs avec Wolinski ont commencé à peine plus tard... dans les toilettes ! Là, chez mes parents, une pile d'Hara-Kiri côtoyait les Fluide Glacial et les derniers numéros de l’Écho des Savanes. Il n'y avait qu'à se servir ! Les dessins de ces parutions étaient osés, irrévérencieux et grossiers, je ne comprenais pas toujours tout (même si la plupart du temps c'était sans équivoque !) et je me souviens avoir souvent pensé "ils exagèrent", "ils vont trop loin", grincé des dents et être choquée, mais ça me faisait quand même marrer... et j'y retournais. C'était sans doute ça leur talent.
Charb, enfin, n'était pas pour moi qu'un membre de la rédaction de Charlie-Hebdo (que je ne crois pas avoir jamais lu en entier) mais avant tout le papa de Quotillon, la mascotte du journal Mon Quotidien auquel mes enfants ont été abonnés pendant des années.
Ce qui s'est passé les 7, 8 et 9 janvier dernier dépasse l'entendement. Je me pose en boucle cette question : comment peut-on exécuter ainsi quelqu'un froidement, les yeux dans les yeux, sans aucune hésitation, émotion ou culpabilité, a fortiori 17 personnes, au nom d'un Dieu, d'une religion, de croyances ou d'un idéal ? Je crois que chaque cerveau a ses limites, le mien ne peut même pas concevoir ou imaginer l'ombre d'une réponse. Quand j'essaie, mes pensées refusent d'aller plus loin, se heurtent à un mur, rebondissent et se perdent dans le brouillard. Mon cœur, en revanche, se glace, ma gorge se noue et je suis anéantie devant tout ce grand gâchis.
Pressons-nous donc de rire de tout, de peur d'être obligés d'en pleurer (Figaro dans le Barbier de Séville).